[newpage=home] ------------------------------------------------------------------------- titre=Marge de tolérance
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$ entetePage(1,0);
$ titreFiche("Règlement contrôle et marge de tolérance");
$ a4box_init('40%','pages/gouvernance/fiches/regl/margetolerance0.jpg','','aliceblue');
Le Règlement Contrôle prévoit une vérification des déclarations des quantités pêchées à travers la règle de la marge de tolérance de 10%.
Du fait des particularités de la pêche thonière tropicale à la senne, l'application stricte de cette règle pourrait engendrer un régime de sanctions systématiques injustes.
Une dérogation est donc demandée pour ces navires. Tour d'horizon de leurs difficultés et des solutions potentielles.
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$ titreniv1("La marge de tolérance de 10% : qu'est-ce que c'est et comment ça marche ?");
La règle de la marge de tolérance de 10% a été mise en place pour s'assurer que les bateaux déclarent correc-tement les quantités de poisson pêchées pour chaque espèce. Pour bien la comprendre, il faut connaître ce qu'il se passe à bord des bateaux, au port quand le poisson est vendu et enfin lors du contrôle.
Imaginons le cas classique d'un navire européen qui pêche dans les eaux communautaires et vend le poisson pêché dans la criée de son port d'attache. Ce bateau pêche plusieurs espèces que les marins doivent obliga-toirement trier à bord et stocker dans des compar-timents différents à des fins de contrôle en mer.
$ titrebleu("[navire-bleu]Pendant la pêche");
L'équipage trie le poisson dans des bacs séparés et estime les quantités pêchées par espèce. Le capitaine déclare ces quantités dans le livre de bord. Le plus souvent, il n'y a pas de moyens de pesée à bord et les quantités pêchées sont estimées visuellement. Cette estimation visuelle est relativement fiable du fait des petits volumes pêchés.
$ titrebleu("[port-bleu]De retour au port");
Le poisson est déchargé du bateau et pesé par la criée. A ce stade, donc, [bleu]on peut connaitre avec précision les quantités pêchées de chaque espèce, selon une méthode agréée.[normal]
$ titrebleu("[controle-bleu]Lors du contrôle");
Les quantités de poisson estimées pendant la pêche sont comparées aux quantités de poisson pesées au port. [bleu]On s'assure que les quantités estimées pendant la pêche et déclarées dans le livre de bord ne s'écartent pas trop de la pesée agréée au port.[normal] Des écarts trop importants pourraient être le signe de sous-déclarations dans le livre de bord par exemple, et elles sont à surveiller de près dans le cas d'espèces soumises à un quota de pêche.
On calcule pour ce contrôle le pourcentage d'écart entre l'estimation pendant la pêche et la pesée agréée au port. On applique une marge de tolérance de 10%, c'est-à-dire que si le pourcentage d'écart dépasse 10%, on considère que le bateau est en infraction.
$ titreniv1("La marge de tolérance de 10%: pourquoi c'est plus difficile pour certains bateaux ?");
Tous les bateaux de pêche ne suivent pas ce schéma très simple que nous venons de décrire. Intéressons nous de plus près au cas des thoniers senneurs tropicaux français qui pêchent les thons albacore, listao et patudo dans les océans Atlantique et Indien.
$ titrerouge("[navire-rouge]Pendant la pêche");
Les quantités de poisson sont importantes, une activité de pêche correspondant le plus souvent à des tonnages allant de 2 à 100 tonnes. Les températures extérieures étant élevées toute l'année en zone tropicale, il faut rapidement stocker le poisson au froid pour éviter qu'il ne devienne impropre à la consommation humaine.
Il est donc absolument impossible de trier ou peser le poisson avant de revenir au port. L'estimation visuelle des tonnages espèce par espèce est très complexe à réaliser dans les temps très courts dont dispose l'équipage. [rouge]Il est impossible de garantir l'exactitude des informations déclarées dans le livre de bord.[normal]
$ titrerouge("[port-rouge]De retour au port");
Si le poisson est vendu à l'usine présente dans le port de débarquement, l'usine trie le poisson par espèce et le pèse. Elle fournit rapidement une estimation fiable des quantités déchargées du bateau.
Sinon, le poisson est déchargé au port sur un cargo. Les températures extérieures et les volumes ne permettent pas de trier et peser intégralement le poisson par espèce pendant le déchargement. On peut à ce stade uniquement avoir recours à des prélèvements d'échantillons pour déclarer les quantités déchargées sur le cargo.
Dans tous les cas, la France n'est pas habilitée à certifier l'estimation car les ports de débarquement ne sont pas situés sur son territoire. [rouge]Il est très difficile de garantir la fiabilité des informations déclarées au retour au port.[normal]
$ titrerouge("[controle-rouge]Lors du contrôle");
On ne peut ni garantir la fiabilité de l'estimation pendant la pêche, ni au retour au port. De ce fait, [rouge]le risque d'écart involontaire à la marge de 10% est très élevé.[normal]
$ finPage(6,"Février 2021");
$ entetePage(2,0);
$ titreFiche();
$ titreniv1("La marge de tolérance de 10% : exemple d'application à l'albacore de l'Océan Indien");
Pour mieux se rendre compte de l'ampleur des difficultés pour les thoniers senneurs tropicaux, penchons-nous sur le cas du thon albacore dans l'Océan Indien. Cette espèce est soumise à un quota depuis 2017. Le dépassement de la marge de tolérance de 10% peut donc entrainer divers régimes de sanction pour le capitaine, le navire ou le propriétaire du navire (armement).
$ titreniv2("Le calcul du pourcentage d'écart");
Comme le font les organismes en charge du contrôle, le propriétaire du bateau et ses représentants (l'Organisation de Producteurs ORTHONGEL) calculent à chaque retour au port le pourcentage d'écart entre l'estimation pendant la pêche et l'estimation au retour au port.
En 2019 et 2020, malgré une vigilance accrue des équipages et des armements, la marge de tolérance de 10% était dépassée pour l'albacore de l'Océan Indien dans 53,5% des cas. [bleu]Pour près d'une marée sur deux, le capitaine et l'armateur sont susceptibles d'être sanctionnées pour une infraction à la règle de la marge de tolérance de 10%.[normal]
$ titrerouge("[rondnb=#A64E4B/1]Les dépassements de la marge de tolérance de 10% sont-ils le signe d'un non-respect du quota d'albacore ?");
Si les bateaux tentaient de sous-déclarer la pêche d'albacore, on observerait en 2019 et en 2020 que les quantités déclarées pendant la pêche sont systématiquement inférieures aux quantités estimées au retour au port. Or rien n'indique une sous-déclaration systématique par les bateaux d'après la figure 1.
En 2019 et en 2020, il y a en effet eu autant de cas de figure pour lesquels l'estimation pendant la pêche (partie gauche de la figure) ou l'estimation au retour au port (partie droite de la figure) était la plus élevée.

$ legende("Figure 1 : Pourcentage d'écart entre l'estimation pendant la pêche et l'estimation au retour au port pour les 223 décla-rations de 2019 et 2020. Cas de l'albacore de l'Océan Indien.");
Par ailleurs, si la problématique de l'estimation se limitait au cas particulier des espèces sous quota, on ne devrait en toute logique rencontrer des problèmes de pourcentages d'écart supérieurs à 10% que pour ces espèces. Or, ce n'est ni le cas dans l'Océan Indien, ni dans l'Océan Atlantique.
$ legende("Tableau 1 : Proportions de déclarations pour lesquelles le pourcentage d'écart entre l'estimation pendant la pêche et l'estimation au retour au port était supérieur à 10% en 2019 et en 2020. Les espèces indiquées en gris sont soumises à un quota dans l'océan concerné.");

On note que les difficultés rencontrées pour chaque espèce sont de même ordre de grandeur dans les deux océans. Cette observation nous indique que [bleu]le problème des écarts relève plus de l'espèce que de l'existence d'un quota.[normal]
$ titrerouge("[rondnb=#A64E4B/2]Peut-on facilement expliquer les pourcentages d'écart constatés pour l'albacore de l'Océan Indien ?");
Si l'on en revient au tableau 1, on note que les difficultés d'estimation sont moins grandes pour les espèces principales (albacore, listao) que pour une espèce secondaire comme le patudo. Cette observation montre que plus une espèce est rare, plus il est difficile d'estimer correctement les quantités lorsqu'elle est mélangée aux autres espèces.
C'est une problématique courante, bien connue des statisticiens. Elle indique que les problèmes de dépassement de la marge de tolérance de 10% peuvent être assimilés à des difficultés d'estimation pendant la pêche et/ou au retour au port.
Des analyses statistiques plus poussées menées par ORTHONGEL n'ont par ailleurs pas permis d'identifier d'autres facteurs expliquant les écarts constatés. Aucun effet des différences entre océans, des procédures particulières dans un port, des configurations des navires ou encore de la méthode utilisée par un équipage donné n'a pu être détecté.
Si l'on en revient à la figure 1, on constate également que les pourcentages d'écart présentent une distribution caractéristique en forme de « cloche » connue par les statisticiens sous le nom de loi Normale. Cette forme est caractéristique de processus dits « aléatoires ».
En d'autres termes, en l'absence de facteurs expliquant les écarts constatés, [bleu]le non-respect de la marge de tolérance de 10% semble plus lié au hasard qu'à des négligences pendant la pêche ou au retour au port.[normal]
$ finPage();
$ entetePage(3,4);
$ titreFiche();
Au vu des difficultés d'estimation pendant la pêche et au retour au port, une dérogation était accordée aux thoniers senneurs tropicaux français, autorisant une vérification de la marge de tolérance de 10% toutes espèces confondues et non à l'échelle de l'espèce.
Malgré ces particularités, ce mode de contrôle a été remis en question fin 2019 et des sanctions pour dépassement de la marge de tolérance de 10% ont commencé à être notifiées aux armements depuis le début d'année 2021.
$ titreniv2("Les sanctions administratives");
En application du décret n°2014-54 du 24 Janvier 2014, une sanction administrative de 3 points peut être appliquée à chaque dépassement de la marge de tolérance. Dans l'Océan Indien, ce régime de sanction concernerait près de la moitié des retours au port.
Dès que 18 points sont cumulés, un arrêt temporaire d'un mois du navire peut être prononcé. [rouge]En appliquant par exemple ce régime de sanction à 2019 et 2020, tous les navires auraient été arrêtés au moins une fois pour une durée d'un mois[normal] (figure 2).
Le cumul des points se poursuivant, certains des navires auraient été arrêtés pour deux mois supplémentaires.
$ titreniv2("Les captures non certifiées et les amendes");
Ces sanctions administratives, outre le coût des arrêts temporaires des navires, s'accompagneraient :
- [rouge]d'amendes[normal],
- [rouge]d'une impossibilité de commercialisation sur le marché communautaire[normal], du fait de la non délivrance des certificats de captures
Cela concernerait 3712 tonnes d'albacore de l'Océan Indien en 2019 et 1745 tonnes en 2020, soit respectivement 13,3% et 6,8% des volumes pêchés. L'écart médian constaté entre les estimations pendant la pêche et au retour au port est de 300 kg, une quantité extrêmement faible pour des navires pouvant stocker jusqu'à 800 tonnes de poisson (figure 3).

$ legende("Figure 3 : Ecart entre l'estimation pendant la pêche et l'estimation au retour au port pour les 223 déclarations de 2019 et 2020. Cas de l'albacore de l'Océan Indien.");

$ legende("Figure 2 : Rythme des sanctions administratives applicables à l'échelle du navire en 2019 et 2020 dans le cas de l'albacore de l'Océan Indien. En vert : pas d'infraction. En jaune : dépassement de la marge de tolérance de 10% et attribution d'une pénalité de 3 points. En noir : cumul de points donnant lieu à un arrêt temporaire d'un mois (18 points) puis de deux mois (36 points).");
$ finPage();
$ entetePage(4,6);
$ titreniv1("Peut-on tout de même garantir la qualité des déclarations et des suivis de quotas ?");
S'il est important de s'assurer que les capitaines et les propriétaires des bateaux de pêche respectent bien leurs obligations déclaratives, l'objectif principal du contrôle reste de s'assurer que les quantités de poisson déclarées reflètent bien la réalité.
Comme nous avons pu le voir précédemment, les dépassements de la marge de tolérance de 10% ne reflètent en rien des problématiques de sous-déclaration des espèces sous quota pour les thoniers senneurs tropicaux français. [bleu]Ces dépassements traduisent en réalité des difficultés pour produire des estimations fiables.[normal] Plusieurs approches complémentaires sont proposées pour y pallier.
$ titreniv2("Le suivi des quotas en temps réel");
Puisqu'il n'est pas possible de garantir la fiabilité totale des différentes sources d'estimation des quantités pêchées par espèce, ORTHONGEL compare l'ensemble des documents disponibles pour le patudo de l'Océan Atlantique et l'albacore de l'Océan Indien.
Les estimations pendant la pêche, au retour au port et à la vente du poisson sont utilisées pour suivre la consommation des quotas de ces deux espèces. Afin de ne prendre aucun risque de dépassement, la valeur la plus élevée de ces sources d'information est utilisée.
$ titreniv2("Les tests pour un plan de sondage");
Dans sa version actuelle, le Règlement Contrôle prévoit la possibilité de mettre en place un plan de sondage. Ce mécanisme permet de réaliser une pesée agréée au retour au port. En ce début d'année 2021, à l'initiative des armateurs français et d'ORTHONGEL, un programme est en cours pour évaluer la faisabilité de ce dispositif.
L'objectif de ce programme, confié aux experts de Bureau Veritas, sera à terme de proposer un protocole robuste qui résoudra les difficultés d'estimation rencontrées au port. Pour ce faire, bien que ce ne soit pas le cœur de métier des armateurs et de leurs prestataires, il sera nécessaire de faire appel à des méthodes employées par les statisticiens et de former des équipes à ces procédures.
$ titreniv2("L'utilisation de l'intelligence artificielle");
La dernière difficulté à résoudre sera celle de l'estimation des quantités pendant la pêche. Les pêcheurs n'étant évidemment pas statisticiens, la tâche est complexe et nécessite une aide extérieure.
Un dispositif de caméras sera placé à bord. Les enregistrements vidéos seront analysés à l'aide de l'intelligence artificielle, pour reconnaitre automatiquement l'espèce des poissons mis en cuve. L'analyse automatique des vidéos pourrait à terme produire des estimations fiables pendant la pêche.
Un programme sur plusieurs années, visant à développer cet outil avec l'aide des chercheurs de l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD), de l'Université de Bretagne Sud (UBS), des experts de Bureau Veritas et du fournisseur de caméras Thalos est en cours de construction.
$ infoFiche("Ce qu'il faut retenir
[rondnb=navy/1][bleu]Le respect de la marge de tolérance de 10% revient à un problème de statistiques pour les thoniers senneurs tropicaux.[normal] Plus une espèce est rare, plus il est difficile d'assurer la fiabilité des estimations pendant la pêche ou au retour au port.
[rondnb=navy/2][bleu]Les écarts à la marge de tolérance de 10% ne sont en aucun cas le signe d'un non-respect des quotas.[normal] De plus, d'autres mécanismes de contrôle sont en place afin de garantir un suivi fiable de la consommation des quotas.
[rondnb=navy/3][bleu]Les écarts à la marge de tolérance de 10% étant aléatoires, cette règle ne peut être une bonne option pour le contrôle des thoniers senneurs tropicaux.[normal] Elle engendrerait un régime de sanctions systématiques de grande ampleur qui fragiliserait les armateurs.
[rondnb=navy/4][bleu]A l'heure actuelle, seule une dérogation à la règle de la marge de tolérance de 10% par espèce éviterait ce régime de sanctions injustes.[normal] Les thoniers senneurs tropicaux français et ORTHONGEL proposent une application de la marge de tolérance de 10% toutes espèces confondues, assortie d'un plan de sondage.");
$ finPage(6,"A. Maufroy, Février 2021");